samedi 24 octobre 2015

La mer d'Aral : une des pires catastrophes écologiques du XXe siècle

PRÉSENTATION

     La mer d'Aral est un lac salé partagé entre l'Ouzbékistan et le Kazakhstan. Aujourd'hui il ne reste malheureusement pas grand chose de ce lac. Sa taille n'a cessé de diminuer depuis les années 60, jusqu'à devenir quasiment entièrement asséché de nos jours, alors qu'il fut le quatrième plus grand lac au monde. 

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A gauche, la mer d'Aral en 1989 et à droite en 2014 (source : NASA.)


     Ce qui m'intérésse est le pourquoi de cet asséchement. L'activité humaine en est la seule responsable. Les deux affluents l'alimentant autrefois, L'amou-Daria et le Syr-Daria, cheminant en Asie centrale, se retrouvent asséchés bien avant d'arriver dans la mer. L'eau est en fait détournée pour des raisons économiques. En Ouzbékistan, la culture du coton est une source de revenus non négligealbe pour le pays. Comme cette culture a des besoins en eau importants, l'Amou-Daria finit dans les champs plutôt que dans la mer d'Aral. 

     Des canaux ont commencés à être construit pour irriguer les champs de coton à l'époque soviétique dans les années 60 (l'Ouzbékistan et le Kazakhstan faisaient partie de l'URSS.) Parmi ces canaux, celui de Karakoum. C'est aujourd'hui encore, le plus grand canal d'irrigation au monde. Il prélève pas moins de 20 % de l'Amou-Daria. Il chemine à travers le Turkménistan et a permis la mise en culture de terre désertique. Sa vétusté fait que 50 % de cette eau est perdue "en route".

     Aujourd'hui, 24 ans après l'indépendance de l'Ouzbékistan, suite à la dissolution de l'URSS, Peu de choses ont changé. Le président ouzbèke Islam Karimov (le même depuis 1991) ne souhaite pas abandonner la culture du coton aussi appelé or blanc. Pendant ce temps, la mer d'Aral a vu disparaître tous ces poissons dont une dizaine d'espèces étaient endémiques. Cela est principalement dû à l’extrême salinité de l'eau qui est passé de 10 g/l en 1960 à 100 g/l aujourd'hui.



LA VILLE DE MO'YNOQ


     La mer d'Aral m'intéresse donc pour les raisons ci-dessus et car la cause de sa disparition est liée à l'agriculture. J'ai donc décidé de me rendre au plus près du lac pour mieux comprendre. Se rendre au bord du lac est aujourd'hui possible pour des touristes prêt à débourser de l'argent et se payer une expédition en 4x4. Ce n'est pas mon cas, j'ai donc décidé de me rendre à Mo'ynoq (prononcé Muiniaq.) Cette ville était jusque dans les années 60 prospère grâce à l'activité de la pêche. 500 bateaux navigués alors sur la mer d’Aral et 25 000 tonnes de poissons étaient pêchés chaque année. Cette industrie a cessée à la fin des années 70 et 10 000 employés se sont ainsi retrouvés sans emplois. La catastrophe, en plus d’être écologique, est aussi sociale.


La mer se trouve à 100 km de là.
Voici ce qu'il reste de l'industrie de la pêche
      Voir ces bateaux et ce dire que la mer est aujourd’hui à plus de 100 km de cet ancien lieu de pêche fait prendre conscience du désastre de la culture des champs de coton. Des coquillages sont encore présents et ici et là ce sont des bouses de vaches qui les remplacent. La ville essaye de se reconstruire avec l’élevage. Certains éleveurs viennent faire pâturer leurs bêtes avec les arbustes, là où il y avait autrefois la mer d'Aral.

Quand les bouses remplacent les coquillages 

     La ville de Mo'ynoq et la région alentour, en plus de s'être appauvries, ont vue leur situation sanitaire se détériorer. Les pesticides qui ont été déversées sur les champs de coton pendant des années ont été entraînés jusqu'à la mer d'Aral. Avec son asséchement les particules des pesticides se retrouvent tapies au sol et contaminent les populations lors des tempêtes de sable. Le nombre de cancer a explosé et la mortalité infantile est une des plus importante au monde.

LA CULTURE DU COTON

      Les surfaces de coton cultivées ont diminuées depuis la chute de l’URSS. En 2007, il s’agissait tout de même de la deuxième culture du pays après le blé. Le coton recouvrait alors 40,8 % des terres cultivées. Ces deux cultures sont irriguées et l’irrigation est gérée par l’Etat. La monoculture de coton a réduit considérablement la fertilité des terres. Une rotation avec de la luzerne est aujourd’hui pratiquée, mais pas de manière systématique.

     Lors de mon séjour en Ouzbékistan on me parlera souvent de cette culture et parfois alors que l’on ne s’y attend pas. Deux jours après être entré dans le pays, j’envoie quelques demandes d’hébergement CouchSurfing. Une réponse me frappe : « Désolé Cédric, je ne peux pas t’héberger je fais actuellement la récolte du coton. Tous les étudiants doivent faire cela. » La récolte du coton serait-elle au programme des universités d’Ouzbékistan ? J’apprendrais plus tard que c’est l’Etat qui oblige aux étudiants à faire cela, pour des raisons financières. « Aucun étudiant n’est payé. L’Etat peut ainsi bénéficier d’une meilleure marge sur le coton » me racontera une étudiante de 16 ans. L'Etat est le propriétaire de la majorité des champs de coton. « La chaleur dans les champs atteint les 40°C en journée et il faut être plié en 2 pour récolter le coton. C’est très fatigant en on travaille un mois ainsi. »

     Que l’on se rassure, cela n’a pas empêché les Etats-Unis de déclassifier l'Ouzbékistan de 1ère catégorie en 2ème catégorie concernant le travail des enfants, au grand dam des ONG. L'Ouzbékistan est un des seuls pays où le travail des enfants est organisé par l'Etat.

Récolte d'un champ de coton

Coton

     La culture du coton est toujours un sujet sensible en Ouzbékistan, et j’en ferais l’amère expérience. Alors que je fais du stop pour quitter le pays et rejoindre le Kirghizistan, j’arrête une voiture avec 4 personnes à bord. Je m’aperçois tout de suite qu’il s’agit d’un taxi collectif, comme il y en a beaucoup dans ce pays. Je tente tout de même ma chance et leur demande s’ils peuvent m’emmener dans la ville suivante, sans payer pour le transport. Le chauffeur refuse et repart. Il fait marche-arrière après avoir parcouru 100 m et me fait monter dans la voiture. Je me retrouve assis à côté d’un policier et je comprendrais que le chauffeur n’a pas fait marche arrière par pitié ou gentillesse, mais juste pour que le policier puisse me contrôler. Un touriste qui ne veut pas payer le transport, c’est louche. Après 10 minutes de contrôle du passeport et de questions, il me demande mon appareil photo. Je lui donne en me disant que, de toute façon, je n’ai rien pris d’illégal en photos. Erreur, le policier me demande d’effacer toutes les photos de champs de coton que j’ai prises, « il est interdit de prendre les champs et la récolte du coton en photos. » Je refuse tout d’abord et obtempère lorsqu’il me menace de m’emmener au poste de police. Les deux photos des champs de coton ci-dessus, ont été effacées. Ce sont les deux seuls qui étaient enregistrées sur mon ordinateur, les autres, notamment des gens récoltant le coton ont été perdues.

     L'or blanc a ainsi causé une catastrophe écologique, sociale et sanitaire. Un pays qui se disait Communiste a ainsi provoqué des ravages au nom... de l'économie. Les dirigeants qui ont suivis, en Ouzbékistan, Kazakhstan et Turkménistan ne se sont pas pressés pour arranger les choses, préférant l'inaction sur ce point, le plus important était d’asseoir leur pouvoir.

Panneau d'information à Mo'ynoq. Le constat est juste, mais les raisons de la disparition de la mer ont oublié d'être invoquées.

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