dimanche 6 septembre 2015

Iran : terre d'hospitalité

L’HOSPITALITÉ DES PERSANS

     Lors de ma traversée de l’Europe et de la Turquie, j’ai eu à de nombreuses reprises l’occasion d’évoquer mon parcours du tour du monde. Dans la majorité des cas, l’annonce de mon passage en Iran attirait plus l’attention que les autres pays cités. La réaction la plus courante était : « l’Iran, c’est dangereux non ? T’as pas peur ? » J’ai tout de même entendu à plusieurs reprises : « Tu verras l’Iran c’est génial, les gens sont super accueillants. » Je confirme donc que la deuxième réaction est bien plus proche de la réalité que la première.

     L’auto-stop est à mon sens, un excellent moyen de profiter de l’hospitalité du Peuple perse, bien que ce mode de déplacement soit inconnu ici. Les péages et stations essence sont donc très utiles pour parler aux chauffeurs et expliquer que je voyage grâce à l’aide d’autres personnes. J’utiliserai souvent la phrase « Bee doona pool » qui signifie « sans argent ». Ainsi, le premier conducteur vous explique que c’est impossible de voyager sans argent en Iran et qu’il faut payer pour le transport, mais le deuxième vous emmène sur 150 km et vous invite au restaurant. Il m’arrivera à plusieurs reprises que les gens veuillent me donner de l’argent pensant que je n’en ai pas non plus pour manger.

Premier chauffeur en Iran


     Cette hospitalité et cette envie d’aider sont même parfois fatigantes et envahissantes. Il n’est pas rare de me retrouver avec 10 personnes autour de moi à vouloir m’aider, alors que je ne questionnais qu’une personne pour connaitre une direction. Les taxis sont aussi très insistants lorsque j'attends au bord d’une route et il faut faire preuve de patience et de diplomatie pour arriver à ses fins. Certains sont cependant très serviables et me prennent gratuitement. La palme revient à Mohammadi qui, pour moi, fera un détour de presque 200 km.

     Autre exemple d'hospitalité, le réseau CouchSurfing est extrêmement bien développé en Iran. Il est très facile de trouver quelqu’un pour se faire héberger. Les soirs où je n’avais pas de logement de prévu, il suffit d’engager la conversation avec un groupe de personnes. Après une demi-heure de discussion, il y a forcément quelqu’un qui va se proposer pour m’héberger. Les deux fois où j'ai dormi dans des parcs, je me suis senti plus en sécurité que dans des parcs où j'ai eu l'occasion de dormir en Europe. Je n'étais d'ailleurs jamais le seul à passer la nuit dans les lieux publics, les familles en vacances y plantent aussi leurs tentes, et parfois vous invitent à partager une coup de tapis ou de couverture pour ne pas dormir à même le sol.

Kebab (grillades de poulet) au barbecue improvisé lors d'une session d'auto-stop. La bouteille de bière en arrière plan est évidemment sans alcool, cela étant interdit en Iran.

Chichas avec mes hôtes rencontrés sur CouchSurfing

     J'apprendrai cependant à être vigilant lorsqu'on m'offre quelque chose. Cette culture de l'accueil est codée en Iran et se résume en un mot : Taarof. Lorsqu'un Iranien offre quelque chose, il faut toujours refuser une première fois et accepter seulement s'il insiste. Cette méconnaissance m'a valu une situation quelque peu étrange, lorsque quelqu'un s'est proposé de m’héberger. Pensant passer la nuit dehors, j'ai sauté sur l'occasion et accepté aussitôt. Il s'agissait en fait de Taarof, la personne n'ayant pas les moyens de m’héberger, il ne me l'a proposé que pour être poli et se montrer hospitalier. J'aurais dû refuser et il n'aurais insisté. Je l'ai mis dans l’embarras et il appellera finalement un ami qui me trouvera un hébergement.


Femme fumant la Chicha à Esfahan dans le square très animé de Naghsh-e-Jahan


Cuisson du Kebab, plat préféré des Iraniens.


GOUVERNEMENT ET POLICE RELIGIEUSE

     Lors de mes trajets en auto-stop, j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de discuter du gouvernement religieux. Beaucoup d’Iraniens, la jeune génération en particulier, sont opposés à ce gouvernement. Le contraste entre ce dernier et le peuple iranien est d’ailleurs saisissant. Parmi les remarques que l’on m’a faites :
« Si beaucoup d’Iraniens veulent aller en Europe, ce n’est pas que pour des raisons économiques, c’est aussi parce qu’ici nous n’avons aucune liberté. »
« La révolution islamique et Khomeini (guide de la Révolution islamique) ont tué mon pays. Avant on était un pays de liberté. »
Khomeini puis Khameini, guides suprêmes de la Révolution islamique sont présents partout, sur les murs, les institutions publiques et sur les manuels scolaires.

Fresque sur le mur d'un immeuble à Téhéran. Les portraits représentent de jeunes militaires morts lors de la guerre contre l'Irak.
Panneau "publicitaire" à Téhéran vantant l'Islam en Iran, la famille et les militaires. Les deux photos ci-dessus sont typiques de ce qu'est la propagande du gouvernement iranien.

Ned, rencontré par hasard à Tabriz, il m'invitera à dormir chez lui. Il se considère comme athée et joue du Heavy Metal, pas l'Iranien que l'on s'imagine, vu d'Europe.

     Autre exemple de ce clivage, lors de mon deuxième jour en Iran, la police religieuse (2 hommes en uniforme et 2 femmes en burqa) questionnent un jeune homme et une jeune femme. Ce qui leur est reproché : marcher et discuter ensemble alors qu'ils ne sont pas mariés. Même si tous les jeunes prennent ce genre de liberté, la police religieuse n'est jamais très loin pour les rappeler à l'ordre. Ce qui paraît banal en Occident peut être considéré comme un délit en Iran. Autre fait surprenant, même lorsque l'on est au courant, les bus et métro sont séparés en deux, un côté pour les hommes et l'autre pour les femmes. Cela est fait pour prévenir tout contact physique entre un homme et une femme, qu'il soit volontaire ou non.



Discrétion de mise pour éviter la police religieuse.

2 commentaires:

  1. "Il s'agissait en fait de Taarof, la personne n'ayant pas les moyens de m’héberger, il ne me l'a proposé que pour être poli et se montrer hospitalier. J'aurais dû refuser et il n'aurais insisté. Je l'ai mis dans l’embarras et il appellera finalement un ami qui me trouvera un hébergement."

    C'est exactement cela. Une unique proposition signifie (dans la culture locale): j'aimerais bien vous héberger, mais comme je n'en ai pas la possibilité, je ne réitère pas mon invitation.

    Il faut 3 propositions pour que cela corresponde à une invitation réelle. Dans la culture iranienne, ce mécanisme du taroof se retrouve dans tous les rapports humains.

    Fabrice

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  2. "les bus et métro sont séparés en deux, un côté pour les hommes et l'autre pour les femmes. Cela est fait pour prévenir tout contact physique entre un homme et une femme, qu'il soit volontaire ou non."

    A côté de cela, les taxis collectifs sont mixtes, ce qui induit une promiscuité marquée, car 4 à 6 passagers par taxi. Ce n'est qu'une des nombreuses contradictions de la République Islamique...

    A noter que la ségrégation par sexe dans les transports se retrouvent en Inde, par ex. métro de Delhi ou autocars longue-distance (mais sans barre de séparation, parfois j'ai fait quelques impairs). Même dans un rickshaw collectif, les passagers instaurent une séparation par leur propre placement. Aucune loi en la matière, mais une pratique sociale instinctive.

    Fabrice

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