Passer une frontière terrestre est assez souvent révélateur de ce qui nous attendra une fois dans le pays. A mon arrivé depuis la Chine, les douaniers laotiens sont décontractés et tous souriants. Un "Bonjour" en Français difficile à comprendre de la part du chef - seul mot qu'il connait dans cette langue - m'incite à lui demander à mon tour comment se présenter en laotien. 32 Dollars pour le visa et me voila au Laos.
Je marche jusque la ville frontalière alors que la nuit commence à tomber. A peine arrivé que des chauffeurs de poids-lourds m'invitent à manger avec eux. Quelle belle entrée en matière. Je découvre donc ici la cuisine laotienne et surtout son fameux riz gluant, ingrédient de base de tous Laotiens. Celui est mangé avec les mains après en avoir fait une boule bien tassée. Après ce bon repas, je me décide à rester dans cette ville pour la nuit, trop tard pour faire du stop. Ville frontalière oblige, les hôtels sont hors de prix, il me faut donc, pour la première fois depuis l'Asie centrale dormir dehors. Je trouverais dans cette ville déserte, un squat parfait : une pièce remplie uniquement de canapés. Je ne dormirais jamais aussi bien dans un squat que cette fois-ci.
Squat
Le lendemain, je lève le pouce pour rentrer réellement dans les terres laotiennes. Mon premier chauffeur se dirige vers Luang Namtha. Je pensais d'abord éviter cette ville qui d'après certains témoignages est très touristique, mais puisque mon chauffeur y va, je change d'avis et l'accompagne. Une fois là-bas, je loue un vélo pour visiter les villages alentour. Malheureusement, je suis loin d'être le premier à faire cela et les villageois en sont apparemment un peu blasés. A mon passage, personne ne lève la tête, pas un sourire à part quelques "Hello" venant d'enfants. Je ne cherche pas à ce que tout le monde s'extasie sur mon passage, mais il est vrai qu'aucune communication n'est possible sans un regard ou un sourire. Faire le premier pas dans ces conditions n'est pas évident. Je ne peux pourtant que comprendre ces gens qui voient passer des occidentaux tous les jours et qui sont parfois regardés avec insistance ou pris en photos sans même qu'on ne leur ait demandés leur autorisation. Je fais en quelques sortes parti d'entre eux et je m'en veux un peu.
Je laisse donc rapidement ces gens vaquer à leurs occupations et me concentre sur la nature environnante.
L'après-midi, les Laotiennes et Laotiens sont finalement plus accueillants avec moi et des jeunes m'invitent à venir déterrés les jeunes pousses de riz. Les pieds nus dans la boue, tout ce fait à la main. Deux d'entre eux parlent anglais et sont très sympas. Ils sont diplômés de l'université depuis peu et sont rentrés au village pour aider tout en recherchant un emploi. Les autres jeunes sont paysans, comme leurs parents. Comme en Chine et dans beaucoup d'endroits d'Asie, de nombreux jeunes quittent les villages pour aller travailler en ville où les salaires sont plus élevés.
Parti de Luang Namtha, je commence ma descente vers le Sud du pays. Arrivé à Muang Xai, je ne souhaite pas rester dans cette ville qui n'a rien d'attrayant. Cependant, en sortant de la ville, je tombe sur un club de pétanque et rencontre des jeunes parlant anglais. Après avoir discuté et joué à la pétanque, deux d'entre me proposent d'aller chez eux et de me préparer un plat typique du Laos. Je pourrais même dormir là-bas. Je n'attendais pas mieux, je suis ravis. Je ne suis cependant pas au bout de mes surprises puisque j'apprends que le plat typique laotien est en fait... du rat. Long moment de dégoût au début, mais impossible de dire non. Nous commençons donc tous ensemble à cuisiner.
On a l'habitude de dire "Tout est bon dans le cochon", j'apprends aujourd'hui que c'est la même chose pour le rat, tout ce mange. Coupé en petits bouts avec les os, de la tête au bout de la queue, tout est "claqué" dans la marmite avant d'être bouilli un long moment. Au final, le goût n'est pas mauvais et j'aurais pour ma part droit à une patte et un bout de la tête. Ça fait tout de même bizarre de ce retrouver en train de sucer un bout de mâchoire de rat. Mes hôtes sont surpris d'apprendre que manger du rat est assez inhabituel pour moi.
Mon hôte. Merci à lui pour cette expérience
Je pars ensuite vers l'Ouest, vers des villages que je pense moins touristiques. L'auto-stop est difficile, les voitures étant peu nombreuses et ne s’arrêtent pas facilement. Au final, je passerais de bon moment, dans de petits villages. Les gens sont souriants et la nature est elle aussi superbe.
Traversée de rivière
Première expérience de bateau-stop
Je continue ma descente vers le Sud, en passant d’abord par
Luang Prabang. Classé au patrimoine de l’UNSECO, cette ville regorge de temples
bouddhistes anciens. Tous aussi magnifiques, les uns que les autres, je
m’aperçois de la différence entre le bouddhisme tibétain et d’Asie du Sud-Est.
Bien que la croyance soit au final identique, la manière de prier Bouddha n’est
pas la même. En Asie du Sud-Est, pas de moulin à faire tourner, ni de
récitation de mantra, tout le monde prie face à la statue de Bouddha. Seul problème, on n'a l'impression qu'il y a plus d'Occidentaux et de touristes que de Laotiens dans cette ville.
Le Mékong, que j'aperçois pour la première fois
Vang Vieng, ville à 180 km de Luang Prabang est une destination plutôt controversée, dû aux nombreux touristes venant uniquement pour faire la fête et faire du tubing (descente de la rivière en bouée.) Le problème est qu'ici la culture laotienne est totalement bafouée principalement par les Américains et Australiens en mode "Spring Break". Les choses se sont cependant bien calmées depuis que les autorités ont décidées d'agir et je décide donc d'y aller. On voit bien que malgré tout, toute la ville tourne autour du tourisme. Il y a toujours certains jeunes venus uniquement pour faire la fête, mais ils ne sont pas si nombreux. Les cinquantenaire coréens ou japonais semblent presque plus représentés. Le soir, seulement quelques bars sont ouverts, ainsi que 4 ou 5 bars "à Friends". Ces derniers sont équipés de banquettes pour pouvoir s'allonger et regarder la fameuse série américaine "Friends". Des Occidentaux venus au Laos pour regarder une série américaine...
L'intérêt d'aller à Vang Vieng aujourd'hui réside dans ses alentours, où la nature est superbe. Je louerais pour la première fois un scooter pour un jour et ferais le tour des montagnes et grottes environnantes. Au final, la ville vaut bien qu'on s'y arrête un jour ou deux.
Nature à Vang Vieng
Nature à Vang Vieng
Nature à Vang Vieng
Je décide de « zapper » la capitale laotienne, Ventiane,
pour me consacrer au Sud du pays, le plateau des Bolovens et éventuellement les
4000 îles. Comme la famille vient en Thaïlande par la suite, il me faut me dépêcher
si je veux tout faire. Cela commence par une descente de 800 km en stop.
J’avance doucement, passant une première journée calme et finis dans une
guesthouse après avoir questionné des moines dans plusieurs monastères sur la
possibilité de loger dans ceux-ci. Malheureusement cela fut impossible et je
commence à m’interroger de plus en plus sur la nécessité d’avoir une tente. Le
logement représente une part importante de mon budget et certains jours une
tente me permettrait vraiment d’économiser. De plus, je pensais au Laos pouvoir
dormir plus souvent chez les gens, mais à mon grand regret ce n’est pas le cas.
Il faut dire que je suis resté le plus souvent dans des lieux relativement
touristiques, ce qui ne facilite pas les choses.
Ma deuxième journée consiste en un lift de 300 km dans le
même camion. Le chauffeur, adorable, partage d’abord son repas avec moi, puis
m’offre un repas au restaurant, avant de me laisser un autre repas emporté que
je n’arrive pas à refuser face à son insistance. Il me laisse dans un village
où je fais connaissance avec Phan (prononcé Pane.) Lui et ses amis sont en
train de boire la fameuse Beerlao.
Plus qu’une bière dans ce pays, la Beerlao est une institution. Bu dans des
glaçons la plupart du temps par manque de frigo, il n’y a généralement qu’un
seul verre pour 4 à 5 personnes. On boit donc cul-sec avant de passer le verre
au voisin qui en fera de même. Je tombe vraiment bien car aujourd’hui est la
fête du village. Nous continuons la soirée d’abord au karaoké (autre
institution au Laos) de Phan puis à la fête du village. La Beerlao coule à
flot et chacun se passe le verre, mis à part moi qui ai un verre attitré. Tout
le monde voulant trinquer avec le farang (étranger)que je suis, l’unique de la soirée, je bois 4 à 5 fois plus
que les autres. Au final après quelques danses sur la piste, je dors dans la
maison vide de l’oncle de Phan.
En compagnie de Phan
Le lendemain après avoir passé la matinée avec mes hôtes, je
repars, malgré un mal de cheveux dû à l’excès de Beerlao, dans l’espoir
d’arriver à Pakse dans la soirée. Ne trouvant pas de lift, je marche une
bonne heure, jusqu’à arriver à un bar où une femme sort tout sourire avec à la
main… un verre de Beerlao. Me voilà invité à nouveau à boire un coup. Très
représentatif du pays, cet accueil et ce sourire sont la marque de la douceur
de vivre de ce pays. Ici lorsqu’il fait trop chaud on se repose dans le hamac,
les enfants jouant autour. J’aime l’expression utilisée par Jérémy Marie lors
de sa traversée en stop du Laos : « Ici, on écoute le riz
poussé. » Une intervention de Jon Jandai ayant grandi en campagne en
Thaïlande, puis à Bangkok, avant de revenir sur ses terres natales présente à
merveille cette douceur de vivre et cette tranquillité du Laos, pays où la
campagne est omniprésente. Pas de stress de la ville, peu de moyen financier
certes, mais surtout une joie de vivre qui comble tout. Peu d’argent, mais du
temps pour faire ce que l’on souhaite à l’inverse des gens vivant en ville. « My
life is easy » le titre veut tout dire.
Le stop me permet de sortir des sentiers battus et de ne pas
rester dans les endroits touristiques. Lorsque le farang que je suis, traverse
un village, les enfants se précipitent pour me saluer (Hello !!!) S’ils
sont trop petits ou timides, les parents se chargent d’agiter le bras de
l’enfant en l’incitant « Dis Hello. » Je suis en permanence au
contact de la population ainsi. Les lifts se faisant attendre dans ce pays,
j’ai l’occasion d’observer la vie autour de moi.
Les voitures sont peu nombreuses et comme s’il fallait y
voir un signe, plus les voitures sont chères et moins elles s’arrêtent (ou tout
du moins leurs chauffeurs.) Les pickups blancs de marques chinoises sont parmi
les voitures les plus représentées mais le nombre qui est prêt à m’aider est
très faible. Ma plus grande surprise est de voir des voitures récentes et en
très bonne état. Je m’attendais à retrouver, en partie du moins, ce que j’ai pu
voir en Afrique, au Bénin, des voitures complètement déglinguées, Dieu seul sait
comment elles roulent encore. Ici il n’y en a pas, toutes les voitures sont en
bonne état de marche. Cela dit, les trajets ne manquent parfois pas de
folklore. Se retrouver à l’arrière d’une camionnette est chose courante parfois
accompagné d’une petite dizaine de personnes essayant de me parler en lao, le
tout sans jamais se départir de ce sourire caractéristique du Laos, ou même de
l’Asie du Sud-Est en général, que j’aime tant.
Auto-stop au Laos
J’arrive en fin d’après-midi à Pakse. Il n’y a pas
grand-chose à faire dans cette ville, l’intérêt se trouve dans la nature
environnante. Je décide d’aller à Tad Lo, petit village dont j’ai entendu le
plus grand bien. La plupart des gens font une boucle en scooter allant de cascades
en cascades, mais aller dans des lieux surchargés de touristes me tente
moyennement. J’ai cependant de la chance car mon premier chauffeur est un
touriste thaïlandais allant visiter une cascade proche. Il me propose de
l’accompagner avant de me laisser sur la route de Tad Lo. J’accepte avec joie
et cela valait un coup d’œil.
Partie de pêche
Racines de manioc, cultures très présentes dans la région
Le plateau des Bolovens est aussi connu pour son café
Je pense rester seulement 2 ou 3 jours dans ce petit village
de Tad Lo, mais je resterais finalement près d’une semaine. Lorsque je reste
dans un lieu plusieurs jours, je suis entouré le plus souvent de locaux, mais
ici c’est une bande de Français que je rencontre et qui me feront rester autant
de temps. Des compatriotes, avec qui tous les soirs il se passe quelques
choses, et toujours autour d’une Beerlao : soirée bœuf (je parle musique
bien sûr) dans un bar, soirée autour d’un feu, barbecue… Nous sommes tous dans
la même Guesthouse, la Sailomyen GH où la « case » en bambous tressés
est à 30 000 Kips soit 3,5 €. Je n’ai pas pour habitude de faire de la pub,
mais cette Guesthouse vaut vraiment le détour, ne serait-ce que pour la Mama
qui gère « la boutique ». On a vraiment l’impression de vivre avec la
famille laotienne. De plus, la Mama peut vous cuisiner un poisson grillé pour
20 000 Kips, et rien que pour ça, vous serez heureux d’être venus ici.
La Mama
Cérémonie
Elephant de Tad Lo
Elephant prenant son bain
Ces quelques
jours entre Français ont été un plaisir. Avoir des nouvelles de la France, et
rencontrer des personnes où l’absence de différence culturelle permet de
discuter librement est plaisant. Je repars ensuite sur Pakse pour traverser la
frontière le lendemain. Une dernière soirée passée avec de jeunes filles
laotiennes, l’occasion de boire une dernière Beerlao. Quand je dis que cette
bière est une institution je crois ne pas me tromper, la plus jeune des filles
à 13 ans et boit autant que moi.
Je peux donc
dire que pour un premier pays de l’Asie du Sud-Est, l’introduction à cette
partie du monde a été plus que positive, aussi bien humainement que
culturellement, sans oublier les richesses naturelles de ce pays. Je regrette
tout de même de ne pas être sorti plus des sentiers battus. Cependant, je me
rends compte que l’auto-stop dans un pays touristique comme celui-ci est une excellente
manière de voir du pays et s’arrêter dans des endroits que l’on ne ferait que
traverser en bus ou en train.
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