CENTRE DES PANDAS DE CHENGDU
Suite à ma traversée d'une petite partie du plateau
tibétain, j'arrive à Chengdu, situé lui aussi dans le Sichuan. Je suis ainsi
dans le cœur de la Chine, la Chine de l'Est, là où plus de 70 % de la
population vit sur ces 30 % du territoire chinois.
Je resterais peu de temps à Chengdu. Se balader dans la
ville est plutôt sympa, mais l'intérêt principal de cette ville se situe dans
sa périphérie. En effet, Chengdu abrite le centre de recherche du panda géant.
En danger d'extinction, le nombre panda serait d'environ 1 500 en liberté et
environ 300 en captivité. Le centre de recherche est le plus grand lieu accueil
de pandas au monde. Il permet ainsi d'étudier les pandas aussi bien à l'état
naturel qu'en captivité. Les études ont permis notamment d'améliorer leur
reproduction en captivité et la prévention de maladies.
C'est une visite qui vaut vraiment le coup. Les pandas sont des animaux très calmes, assez lents, passant leurs temps à manger et dormir. Des grosses peluches que l'on a envie d'adopter.
Le centre de Chengdu insiste bien sur le "travail
formidable" qu'il effectue avec l'aide du gouvernement chinois. Ils
passent malheureusement sous silence les raisons qui font du panda une espèce
protégée. La perte de l'habitat dû à la déforestation et à
l'agriculture est le principal facteur de la chute de population du panda.
DEUX SEMAINES DE HELP X
Après un mois en Chine
je commence à connaitre une certaine solitude. En effet, je n'ai rencontré
quasiment personne parlant anglais. Mes conversations se font le plus souvent
avec les mains, les trajets d'auto-stop se faisant dans le silence après quelques
questions basiques ("You, America?" -"No, Fagoua (Français),
Palis (Paris)".) A part à Chengdu, le nombre de touristes rencontrés avec
qui j'ai pu échagner était aussi très faible. Je décide donc, pour rencontrer
du monde, de passer deux semaines dans une ferme proche de Chengdu, repérée via
le site Help X.
Pris en stop par une mustang pour aller à la ferme. |
Je pose donc mes
valises dans la ferme de la famille de Lin. Celui-ci a terminé ses études il y
a peu et accueille depuis plus 3 ans des volontaires. Deux Allemandes font
aussi du volontariat ici. Elles voyagent également en stop et sont aller de
l'Allemagne jusqu'en Chine en passant par la Russie. Nous sommes logés tous les
trois dans une maison traditionnelle en paille. Autant dire que l'isolation est
très précaire, d'autant plus que même s'il ne gèle pas, les températures
avoisinent souvent les 5 degrés. La ferme est relativement grande et jalonnée
de nombreux étangs, rendant très agréable les balades dans l'enceinte de
celle-ci.
La maison en paille |
La ferme produit 5 000
cochons en partie de façon "écologique et durable", c'est-à-dire
que les animaux ont un accès à l'extérieur quelques heures par jour et leur
nourriture est produite exclusivement sur la ferme. Cette production est
cependant bien loin du cahier des charges de l'élevage plein air en France. Ici
les cochons ne sortent que quelques heures par jour lorsque le sol n'est pas
trop humide, pour ne pas dégrader celui-ci, la densité de cochons étant
importante. Autant dire qu'en ce mois de décembre pluvieux, je ne les verrais
quasiment jamais dehors. Le reste du temps ils sont sur caillebotis béton, type
de sol interdit pour un élevage plein air français.
La surface extérieure est selon moi la plus grande limite à ce type d'élevage. Combiner élevage industriel (5000 cochons) et procédés améliorant le bien-être animal est difficilement faisable, surtout lorsque la ferme n'est pas conçue pour cela à la base et qu'il n'y a pas de volonté de diminuer le nombre d'animaux. Pour que ce type d'élevage soit réellement efficace, plus respectueux du bien-être animal, il faut revenir à de plus petits élevages, plus paysans.
Pour autant, ce type d'élevage a ses raisons d'exister en Chine, pays où les scandales sanitaires dû à l'alimentation sont courants. Le plus connu d'entre eux est le lait à la mélanine en 2008. Dernièrement, de la viande congelée depuis 40 ans a été saisie. Celle-ci était destinée à se retrouver sur les marchés. Rapprocher clients et agriculteurs est important dans un pays comme la Chine. Sur ce point, la ferme réussie plutôt bien, invitant tous les week-ends à déjeuner, des clients ou autres personnes souhaitant visiter la ferme.
Je me suis aussi beaucoup poser la question de comment nourrir un pays comme la Chine. Cependant, je ne me permettrai de donner un avis ici, ne connaissant pas suffisamment le pays. Je n'ai pas visité la côte Est, partie la plus peuplée de Chine et la ferme dans laquelle j'ai travaillé, avec ses 5 000 Cochons n'est pas représentative du pays, les paysans étant plus nombreux que les grandes exploitations.
D'un point de vue travail (car je suis tout de même venu à la ferme pour cela) rien de très passionnant. Des taches assez répétitives : nettoyages des étangs, épluchage de cacahuètes, ramassage de feuilles mortes... Ce séjour aura aussi été l'occasion de découvrir une cuisine chinoise très riche et succulente.
Désolé pour le manque de photos, mais l'appareil est resté pendant les 2 semaines dans le sac, donc peu d'illustrations.
YICHANG ET LE BARRAGE DES 3 GORGES
Ma prochaine étape me tient particulièrement à cœur et
m'emmène à Yichang, ville de la province de l'Hubei, entre Shanghaï et Chengdu.
L'Hubei est une province montagneuse et la rivière Yangtze, 3ème fleuve
mondiale en longueur y chemine. Cette rivière est aussi celle où le
plus grand barrage hydroélectrique au monde a été construit, le barrage des 3
gorges.
Je vais donc à Yichang pour voir de mes yeux ce
mastodonte de béton. Le monde étant petit je suis logé par une CouchSurfeuse
arménienne, Tatevik, à qui j'avais déjà fait une demande d'hébergement 6 mois
plus tôt en Roumanie. En effet, elle était volontaire à Ramnicu Valcea mais été
rentré en Arménie depuis peu. J'avais finalement été hébergé par Marina et
Gustavo dans cette ville, deux autres volontaires qui avaient récupéré son
appartement et j'avais ainsi été logé dans la chambre que Tatevik a occupé
pendant un an. Elle me propose de rester quelques jours de plus que ce que
j'avais prévu afin de passer le nouvel an ensemble. Bonne opportunité de passer
un meilleur réveillon de l'an, que celui de noël - qui a été un jour ordinaire
pour moi - j'accepte avec joie.
Le barrage des trois gorges :
J'irais dès le premier jour à Yichang voir le barrage.
Je prends un bus en ville pour arriver sur le site à 30 km d'Yichang. Je
déchante aussitôt, l'entrée est à 130 Yuans (19 €.) Sur les 130 Yuans, 35
(5 €) est pour le transport en bus entre les différents sites distants de
30 km. Une vraie arnaque, je refuse de payer une telle somme. Je m'aperçois
qu'ils ont créés un véritable business pour riches touristes chinois. Je suis
passablement énervé mais décide tout de même de trouver une solution pour voir
le barrage. J'arriverais finalement à le voir de loin, après mettre fait
refuser plusieurs entrées par des militaires et avoir fait du stop pour
traverser un pont infranchissable à pieds, pour je-ne-sais-quelle-raison. En
arrivant devant le point de vue que j'ai trouvé, j'enrage : alors qu'il faisait
soleil à mon arrivé, le brouillard est tombé et me gâche la visibilité.
Peut-être est-ce à cause de l'éloignement et du
brouillard mais je suis presque déçu, j'imaginais cela beaucoup plus grand et plus
imposant. Cependant, on relativise en se rappelant quelques chiffres : 2,3 km
de long, 185 m de haut, 600 km de réservoirs, une production de 87 TWh par an
soit l'équivalent d'une quinzaine de réacteurs nucléaires. De plus, sa
construction a entraîné le déplacement de 1,5 millions de personnes (1 351
villages engloutis.)
Les barrages hydroélectriques sont des sources
d'énergie renouvelable, cela en fait-il pour autant une solution durable? Au vu
de ces chiffres, il semble que non. Au lieu de cela, la Chine lance de nouveaux
projets de barrage tout aussi immense, comme sur la rivière Yalong, détruisant
un écosystème considérable, déplaçant des millions de personnes et
engloutissant leurs moyens de vivre (terres agricoles.) D'un autre
côté, ses barrages sont aussi construits pour permettre de subvenir à l'appétit
dévorant de la Chine en énergie et pour diminuer la consommation de charbon.
Alors que je visite le barrage des trois gorges sous un épais brouillard, à
Beijing, les Chinois sont aussi dans le brouillard... de pollution dû en partie
aux centrales à charbon.
Trois semaines plus tôt, j'étais au centre des pandas
où le gouvernement montre fièrement ces prouesses en matière de sauvegardes
animales. Et les dauphins de Chine on en parle ? Sa population déjà
très faible due à la pollution de la rivière Yangtze - seule rivière abritant
cette espèce - a été définitivement décimé par le barrage. Le dauphin
d'eau douce de chine, aujourd'hui espèce éteinte, n'est pas la seule espèce à
avoir été affecté par le barrage.
De telle construction devrait nous faire réfléchir sur
notre consommation énergétique et changer nos comportements. Cependant, en
Chine je sais que cela est cause perdue. Les Chinois n'ont quasiment aucun
esprit critique ("si le gouvernement fait des barrages, c'est que cela
doit être la meilleure solution."), ils sont avides de technologies
nécessitant ces barrages et la consommation est la première des religions en
Chine. Par ailleurs, ces critiques ne s'appliquent pas uniquement à la
Chine, on pourrait en dire bien d'avantages de nos pays européens.
Yichang :
Après la visite du barrage, en attendant le nouvel an,
je me ballade dans les rues de Yichang. Ville moderne, les lieux intéressants
se comptent sur les doigts d'une main. Je me rends à l'office de tourisme pour
me renseigner sur d'éventuelles randonnées. Vue la topographie et la beauté de
l'Hubei, j'imagine que ce n'est pas ce qui manque. L’hôtesse a qui je demande
ouvre de grands yeux :
"De la randonnée ? Vous voulez marcher ? Juste vous, sans guide ??? C'est la première fois que je reçois quelqu'un qui veut marcher!"
Malgré ses efforts, elle ne peut pas m'indiquer de lieu où randonner.
Je vais donc découvrir au hasard et trouve quelques chemins, aussi peu nombreux
soit-il. Les Chinois ne sont pas connus pour être de grands marcheurs - et
sportifs en général.
Région de l'Hubei |
Le nouvel an sera sympa avec Tatevik et des amis à
elle, une dizaine au total. Premier nouvel an hors de France pour ma part.
L'AUTO-STOP EN CHINE
Depuis mon arrivée en Chine jusque Chengdu, l'auto-stop
n'a pas été particulièrement difficile. Sauf que maintenant, je ne joue plus
dans la même cour : j'arrive là où la population est la plus dense. Le
réseau routier est très complexe et le nombre de villes de grande taille est
impressionnant. Un trajet des plus marquants sera celui qui doit
m'emmener de Yichang à Kunming, soit plus de 1800 km que je compte faire
rapidement, mon visa arrivant bientôt à expiration.
Je rejoins un péage et tend un panneau avec le nom de
la route où je souhaite aller (S88.) Après une période d'attente, je ne suis
pas vraiment certain que les voitures qui défilent devant moi comprennent mon
message. J'alterne donc levé de pouce et pancarte, en vain personne ne
s’arrête. Après une heure et demie d'attente un policier du péage vient me voir
pour m'expliquer que la route que je souhaite prendre est fermée. Je dois donc
changer d'itinéraire et fais du stop sur une autre route, où on me dépose dans
une grande ville.
Il est toujours compliqué de trouver un point de
chute et se faire comprendre sur le lieu où les voitures peuvent me
déposer. Je dois dans ce cas traverser toute la ville en bus. Je fais
à nouveau du stop à un péage où là encore - je ne l'apprendrais que le
lendemain - la route est fermée. J’enchaîne pendant deux jours, traversée de
villes à pieds où en bus, routes secondaires car certaines routes principales
sont fermées... Au final, en 2 jours je parcours seulement 300 km, plus
que décourageant.
Alors que je souhaite reprendre le stop uniquement pour
me rendre dans une ville voisine pour prendre le train, je ferais une rencontre
formidable. J'ai déjà dû attendre de nombreuses heures
au bord des routes depuis que je suis parti de France et j'ai toujours eu
l'impression que plus j'attends au même endroit et plus la probabilité que
quelques choses de formidable se passera avec celui qui s'arrêtera est
importante. A chaque fois que j'ai attendu plus de 3h, il s'est
toujours passé quelques choses avec mes chauffeurs. J'en venais à penser que le
jour où je devrais attendre 8h mon chauffeur me payerais un hôtel 4 étoiles
ensuite.
Ce jour, je n'attends que 13 minutes, mais après deux
jours de galère (300 km en 2 jours.) Le couple qui s’arrête parle un
peu anglais et me propose de m'emmener plus loin que la ville où je souhaitais
aller pour prendre le train. Ce n'est pas moins de 700 km que je parcourais
grâce à eux (record encore battu en Chine.) Le soir, ils me payent un
restaurant de folie (hotpot (fondue) de poissons) et surtout ils me prennent une
chambre dans l’hôtel où eux aussi logent, car ils sont dans cette ville pour le
travail. Je ne sais pas le nombre d'étoiles de l'hôtel mais c'est le grand
luxe!!! Prix de la chambre : 80€!!! Ils m'expliquent que la chambre ne coûte
quasiment rien car ils ont des prix très intéressant avec leur
entreprise.
Ma chambre. Grand luxe pour quelqu'un habitué dans des hôtels à trois sous... |
A gauche, mon conducteur, à qui je dois beaucoup. |
Je rejoindrais Kunming le
lendemain en train et quitterais la Chine pour le Laos quelques jours plus
tard, après deux mois passé dans ce pays.
Voyage depuis Chengdu |
La communication est encore une
fois un des problèmes majeurs que j'ai dû affronter. Cependant, la grande
majorité des conducteurs ont dans le répertoire de leur I-Phone au moins une
personne parlant anglais. Ainsi, je n'ai jamais autant parlé en anglais au
téléphone qu'en Chine. J'ai constaté que 90 % de mes interlocuteurs
téléphoniques anglophones étaient des femmes. En règle générale, les
Chinoises parlent bien mieux anglais que leurs confrères masculins.
RÉFLEXIONS DIVERSES
Sur un pays comme la Chine, ce ne sont pas les
réflexions qui manquent. En voici une dernière sur le rapport particulier des
Chinois avec l'argent. Les Chinois sont relativement avides de Yuans (monnaie
en Chine) et sont encore plus ancrés que les Occidentaux dans la
"société de consommation". I-Phone, nouvelles technologies en tout
genre, voitures, posséder semble plus important que tout. Je me suis
ainsi poser la question de savoir ce qu'il reste du communisme. Pas grand
chose. J'entendrais souvent dans ma tête cette voix qui m'a répété pendant 5
ans, un vendredi sur deux :
"La Chine n'est plus communiste, c'est le pays le plus capitaliste au monde depuis que Mao a dit aux Chinois : "enrichissez-vous"."
Il est vrai que la Chine n'a plus de communiste que le
nom de son parti unique. Un rempart qui permet à ses dirigeants de garder la
main-mise sur la première puissance mondiale et le pays le plus peuplé au
monde, sans se sentir obligé d'organiser d'élections.
Un dernier choc dans la découverte de la Chine a été
l'absence de religion. Mis à part les minorités ethniques, les Chinois Hans
n'ont pour la plupart pas de croyance religieuse. Alors que depuis la Roumanie
et son Orthodoxie, l'Islam en Turquie, Iran et Asie centrale et le Bouddhisme
au Tibet, pour la première fois la religion est un sujet peu évoqué, alors
qu'il a fait partie de très nombreuses de mes discussions depuis le début de ce
tour du monde. Une phrase qu'un Chinois m'a dit alors que je lui pose la
question de sa religion et qui résume tout à fait la situation :
"Nous les Chinois, on n'a pas de religion, mais on prie tous les jours pour avoir plus d'argent."
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