Je reste deux jours dans la ville
de Dawei, histoire d’aller voir la mer que je n’avais pas vue depuis la
Turquie. Pas de plage touristique ici, il n’y a que des locaux qui se baignent.
Les plus beaux spectacles sont les allées et venues des bateaux de pêche.
Je remonte ensuite doucement vers
Yangon, la capitale économique birmane. A Ye, je me fais inviter à dormir chez
Mentia, alors que cela est en théorie interdit. En effet, des étrangers n’ont
pas le droit d’être hébergé par des locaux. Je le fais remarquer à mon hôte qui
me répond une phrase que j’ai souvent entendu par la suite :
« It’s
OK, we are in democraty now. » (Nous sommes en démocratie
maintenant.)
En effet, j’arrive peu de temps après l’écrasante
victoire du parti d'Aung San Suu Kyi aux élections législatives. Le
Président n’a pas encore été élu et l’armée est toujours au pouvoir, mais
apparemment le résultat permet déjà aux habitants de prendre plus à la légère
les lois édictées par la junte militaire.
Une fois arrivé à Yangon, il me faut trouver un hôtel. Je l'ai vite compris, pour un pays de l'Asie du Sud-Est, la Birmanie a des tarifs très élevés. Le tourisme a explosé ces dernières années et l'offre de logement n'a pas vraiment suivie la demande. Je trouve l'hôtel repéré sur internet comme étant le moins cher après plusieurs heures de marche dans la ville. La chambre est à 6 $, mais correspond plus à une cellule de prison qu'une réelle chambre d'hôtel. Yangon n'est pas une ville très séduisante. La saleté et les déchets sont présents en nombre et cette ville détient - selon moi - le triste record de la plus grande densité de rats. J'écris même ces lignes après avoir visité un certain nombre de villes en Inde et je n'en ai pas trouvé avec autant qu'à Yangon.
Yangon est surtout l'occasion de postuler pour le visa indien. En attendant de me le voir délivrer, je décide de partir pour des contrées plus reculées en faisant du stop un peu au hasard. Je tombe par chance sur un orphelinat, proche de la ville de Pathein. Celui-ci est géré par des moines bouddhistes, très heureux de recevoir leur premier étranger dans leur centre. On me met un bébé dans les bras et rassemble tout le monde pour la photo.
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Les plus petits nourris par les plus grandes. Leurs joues sont couvertes de Thanaka, pour protéger du soleil, mais aussi pour se faire beaux. |
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Prières avant le repas. |
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Sieste de l'après-midi pour les deux jumeaux et leurs compères. |
Je reste finalement deux jours
dans ce lieu qui transpire d’Amour. Les
plus grands qui ont une dizaine d’années s’occupent des plus petits qui ont
quelques mois. Les enfants reçoivent une scolarité en fonction de leur niveau
ainsi qu’une « éducation religieuse »
effectuée par les moines. Tout fonctionne grâce aux dons de particuliers.
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La plus âgée, 15 ans prenant soin du petit dernier d'un mois. |
Je repars le matin du 3ème
jour en bus pour récupérer mon visa indien l’après-midi, dommage car rester 2
ou 3 jours de plus m’aurait bien plu.
Je quitte par la suite la région
de Yangon pour aller à Mrauk-U (prononcé Miaou.) Cette ancienne capitale de l'Empire arakane contient de nombreux anciens temples.
Assez reculé, ce village est de fait peu touristique en comparaison au très
visité Bagan. Le prix d’entrée est aussi
largement inférieur (5 $ au lieu de 20 $.) Je mets deux jours et demi en stop
pour arriver sur place. J’effectue notamment le trajet Magwe - Mrauk-U en 12h alors
qu’en bus il faut 19h.
Les temples sont tout simplement magnifiques. Des vieilles
pierres, de nombreux bouddhas et une population qui n’est pas blasée de voir des
touristes comme cela peut parfois être le cas. J’ai aussi adoré me perdre dans la
jungle environnante et tomber au hasard sur de vieux temples à l’abandon.
Quitter Mrauk-U est moins évident que d’y entrer. La région
est très contrôlée militairement notamment dû à la présence de l’ethnie Rohingya, souvent rejetée, aussi bien en Birmanie
qu’au Bangladesh. Je suis tout de même pris par un camion en stop. A un
checkpoint, pour une raison qui m’échappe, le chauffeur décide de me laisser
sur place. Il ne va pas jusque ma destination, mais j’aurais pu encore faire
une centaine de km avec lui. Je me retrouve ainsi avec des policiers qui
refusent de me laisser faire du stop et veulent à tout prix me faire monter
dans un bus : « monter avec des locaux en voiture est interdit en
Birmanie, t’es pas chez toi ici, tu dois respecter les règles. »
Apparemment, la consigne : « We
are in Democraty now » n’est pas encore arrivée jusqu’aux oreilles des
policiers de ce coin reculé. J’accepte de monter dans un bus mais uniquement
GRATUITEMENT. L’un des policiers – assez nerveux et énervé – me trouve un bus
gratuit, après de nombreuses négociations. Seul problème, mon policier a oublié
de demander au chauffeur sa destination et celui-ci va exactement dans la même
direction que le camion dans lequel j’étais. Je me retrouve ainsi à 23h dans un
village qui m’est inconnu et je dois donc marcher pour trouver une place où
camper, ce qui est aussi interdit : merci la police.
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Transport de volailles |
Pour info, les étrangers doivent théoriquement voyager en transport en commun en Birmanie et n'ont pas le droit de voyager avec des particuliers. Cependant,
le stop est tout de
même toléré, ni votre chauffeur, ni vous n’auraient de problème si vous
rencontrez la police. Au pire on vous demandera de sortir du véhicule. La police m'a même aidé à plusieurs reprises à trouver une voiture. Arrêter une voiture n'est pas très difficile même si elles sont peu nombreuses. Les locaux sont heureux de m'accueillir, et, surprise, j'en ai rencontré de nombreux parlant un bon anglais.
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De nombreux "casseurs-ses" de cailloux qui refont les routes. Pas de machines, tout est fait à la main. |
Les conversations tournent beaucoup autour de la politique, de leur joie d'être en démocratie et de
leurs - nombreuses - attentes d'Aung San Suu Kyi. Le problème est, qu'après une écrasante dictature de l'armée, les Birmans en viennent à confondre démocratie et anarchie. Un sentiment de liberté leur laisse croire qu'aujourd'hui tout est possible et que les lois et les règles n'existent plus. Attention à ne pas tomber dans l'excès inverse après de nombreuses années de privation de liberté. En ce moment en Inde, je me rends bien compte que, dans la plus grande démocratie du monde, les restrictions, plus ou moins contraignantes et nécessaires, sont très nombreuses, mais parfois - pas toujours - utiles pour assurer un bon vivre ensemble.
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Ligue nationale pour la démocratie, le parti d'Aung San Suu Kyi. Son père (portrait à gauche) était aussi un opposant au régime militaire.
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Portrait d'Aung San Suu Kyi |
Derniers faits marquants lorsque l'on fait du stop sur les routes birmanes, on aperçoit de nombreux moines et nones récoltant de l'argent pour leur monastère. Les gens ralentissent en voiture pour leur donner un billet. Enfin, aucune machine n'est utilisée pour construire les routes, tout est fait à la main. Les femmes, bien souvent, portent les cailloux et les cassent. Les hommes sont chargés d'étaler le bitume avant d'avoir chauffé celui-ci. Autant dire que la température à côté du tonneau où il y a le feu est à la limite du supportable.
Voir ces hommes et femmes travailler dans ces conditions pour un salaire de misère permet de relativiser la difficulté du stop dans ce pays. Je me dis alors que finalement, j'ai assez peu de mérite de faire ce que je fais comparé à la vie de ces gens qui travaillent dans l'ombre et ne reçoivent aucune gratitude ni respect pour cela. Le plus impressionnant est que lorsque je les croise, aucun ne se départit de son sourire alors que pour ma part je râle parfois d'avoir à marcher pour trouver une voiture.
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Nones, toujours de roses vêtues, portant des jarres pour récolter l'argent leur permettant de vivre |
Les derniers jours en Birmanie ne seront pas des plus excitants. Pour commencer, une infection au pied que je traîne depuis un moment s'empire et m'oblige à consulter un médecin. Je laisse le stop de côté et prends le bus aillant des difficultés à marcher. Je vais à Kalaw, où les principales activités tournent autour de la nature et donc de la marche. Avec un pied en moins, autant dire que je ne ferais pas grand chose.
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Les brûlis sont nombreux en Birmanie, aussi bien dans la forêt que dans les champs. |
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Une partie de la forêt de Kalaw brûlée intentionnellement |
Par la suite, je me rends à Mandalay, deuxième plus grande ville de Birmanie. Cette fois, c'est mon dos qui me fait souffrir, en partie dû au poids de mon sac qui est alourdi par la tente achetée un mois auparavant. Le paradoxe est que ce mal de dos me démotive à dormir sous la tente, alors que c'est à cause de celle-ci que j'ai mal au dos... Je ne suis pas vraiment emballé par Mandalay et assez pressé de partir pour l'Inde.
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Char pour les moments de festivité |
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Statue de Bouddha, dans un temple moderne de Mandalay |
Je rejoins la frontière de l'Inde en deux jours, dormant une fois dans un monastère et une autre fois chez l'habitant, l'occasion de rencontrer aussi un groupe de filles ravi de voir un étranger dans leur ville. Je ne le sais pas encore, mais ces filles sont parmi les rares à qui je vais parler pendant un long moment. En effet en Inde, aborder ou être abordé par une fille est très rare et relativement compliqué...
J'ai rencontré en Birmanie une population très souriante à l'instar du reste de l'Asie du Sud-Est. Ils sont aussi particulièrement enthousiaste par le futur que peut leur apporter le nouveau régime politique en place. L'intérêt de visiter la Birmanie tient aussi dans l'encrage des Birmans pour leurs traditions. Espérons que l'ouverture au monde, bien que légitime, ne leur feront pas oublier celles-ci.
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Grand-mère amenant des fleurs à un temple. |
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