dimanche 27 décembre 2015

Kazakhstan et Xinjiang

CASSE-TÊTE POUR LE VISA CHINOIS

     Comme je l'ai écrit dans le dernier article, je pensais faire mon visa chinois au Kirghizistan. Cependant, après mettre longuement renseigné sur internet et sur les forums de voyage, je me suis aperçu que la tâche n’était pas gagnée d’avance. La plupart des voyageurs ayant fait leur visa chinois à Bichkek sont passés par une agence déboursant au minimum 100 € en plus des 40 € de visa. Etant donné le prix, j’essayerais sans passer par une agence, mais sans succès. Je décide donc de passer par le Kazakhstan où apparemment à Almaty, le visa est moins contraignant à obtenir, chaque ambassade chinoise ayant ces propres règles.

     Le passage de frontières est très simple : un coup de tampon pour la sortie du Kirghizistan et un coup pour l’entrée au Kazakhstan qui me permet de rester 15 jours dans le pays. Je me dirige directement vers Almaty, à 200 km de la frontière, le mardi 27 octobre. Etant donné qu’il me manque des documents pour postuler pour le visa, je ne peux aller à l’ambassade le mercredi et dois attendre le vendredi. Il faut en plus d’une lettre d’invitation, remplir un formulaire, la confirmation d’un vol aller/retour Almaty – Urumqi, même si je compte passer par la voie terrestre et deux photos dans un format spécial, différent du format des photos de passeport. Autant de documents aussi inutiles que difficiles à se procurer.

     Le vendredi, la réponse est la même qu’à Bichkek : « vous ne pouvez pas postuler avec une lettre d’invitation qui ne vient que d’une amie. » Ce visa commence sérieusement à m’énerver, mais par chance, je rencontre un homme travaillant dans une agence me proposant de me procurer une lettre d’invitation officielle pour le lundi suivant pour moins de 10 €. J’arriverais enfin à postuler le lundi et n’aurais payé que 28 € pour le visa et la lettre d’invitation, bien loin des 140 € de Bichkek. Je récupérerais mon visa le lundi 09 novembre.

KAZAKHSTAN


     Le Kazakhstan est de loin le pays que j’ai le moins aimé jusqu’alors. Je ne suis resté d’ailleurs quasiment qu’à Almaty, plus grande ville du Kazakhstan. La première semaine je la passerais à galérer pour obtenir mon visa et me promènerais un peu dans la ville. Il n’y a rien à faire dans cette ville nouvelle où toutes les rues se ressemblent. Seul la cathédrale orthodoxe vaut un coup d’œil.



     La deuxième semaine, je visite les montagnes aux alentours d’Almaty. Malheureusement il a neigé dans la semaine et il est donc impossible de randonner, il faut rester sur les grands chemins. J’essayerais de sortir de cette ville, mais les autres villes que je verrais sont encore plus tristes qu’Almaty. Les alentours ne sont faits que de steppes interminables. Je n’ai que six jours et n’ai donc pas tellement envie de faire 2600 km pour aller à Astana, la capitale et revenir.



     Cette semaine est donc faite de marches dans les rues monotones d’Almaty et dans ces alentours et de préparations du voyage en Chine. Rien de très passionnant en somme. Le lundi, je récupère mon visa à 16h et tend aussitôt le pouce vers la Chine. Je n’ai pas l’intention de passer la frontière le jour même, mais souhaite me rapprocher pour la passer le lendemain, dernier jour de validité de mon visa kazakhe. Après trois petits lifts, j’ai la chance de tomber sur un chauffeur d’origine turque qui m’emmène directement à la frontière et qui me propose aussi de m’héberger. Je ne pouvais pas mieux quitter le Kazakhstan, moi qui me suis plaint de ce pays pendant deux semaines.

XINJIANG (CHINE)

     Me voilà enfin en Chine. Je rencontre beaucoup de Chinois Hans (l'ethnie principale chinoise) dans la ville frontalière, mais aussi une bonne partie d’Ouïghours, la minorité ethnique de la Chine de l’Ouest. Dans cette ville frontalière, la langue est toujours le russe, je peux ainsi toujours me faire comprendre, un peu comme un sas de décompression avant de se retrouver dans la Chine profonde. Le changement le plus radical se voit au niveau des bâtiments : du bêton, du bêton et encore du bêton. Le nombre de bâtiments en construction m’impressionne, même si cela reste raisonnable en comparaison au reste de la Chine. Mais ça je ne le sais pas encore.

     Après un premier bol de nouilles chinoises, je tends le pouce vers Urumqi à 650 km de la frontière. Je me sens un peu bête à faire du stop en Chine pensant que ce n’est pas commun et que personne ne comprend mon pouce levé. J’ai la même sensation que la première fois que j’ai levé le pouce au moment du départ : un peu penaud, se demandant si quelqu’un va s’arrêter. Après 15 minutes d’attente, une voiture s’arrête, me prends sur une cinquantaine de km, mais me laisse sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute. J’arrive cependant à arrêter rapidement une autre voiture qui va directement à Urumqi. Mon chauffeur m'emmène donc sur 600 km, soit mon record de distance avec une voiture en stop pour le moment. Le conducteur est Chinois, mais parle un peu anglais et surtout russe donc nous n’avons pas trop de mal à communiquer.

Mon chauffeur sur la route pour aller à Urumqi
Panneau écrit en Chinois et en Ouïghour (alphabet arabe.) 
     En allant à Urumqi nous nous arrêtons dans une ville voisine alors qu’il fait nuit. Impressionnant toutes ces lumières, toutes ces enseignes qui clignotent. On a l’impression qu’aucune ruelle ne doit rester sans lumière. Alors qu’en France on éteint la Tour Eiffel pour faire des économies d’énergie, la Chine se doit de décorer le moindre de ses bâtiments avec les plus belles lumières. Je n’ose imaginer la consommation d’électricité utilisée uniquement pour ces artifices. Malheureusement, je n'ai pas pris de photo.

     Urumqi n’a rien d’extraordinaire, une ville comme beaucoup d’autres. Le bazar ouïghour vaut tout de même le coup d’être vu.

Vendeurs ouïghours


Pierres précieuses au bazar d'Urumqi
Enfant ouïghour
Urumqi est aussi l'occasion de voir dans les parcs, pour la première fois, les Chinois faire leur danse traditionnelle...
... ou tout autres exercices


     Je pars donc assez vite pour Turpan (ou Tourfan), ville ouighour plus traditionnelle. La ville et les alentours sont situés dans une dépression, ce qui fait que la ville se situe au niveau de la mer et que le point le plus bas se situe à 150 mètres en dessous de la mer. Elle est aussi réputée pour être un des points les plus chauds de Chine. Ce ne sera pas le cas quand j’y serais, il fera une dizaine de degré tout au plus.

     Le peuple ouïghour a des origines turques et est musulman. Je serais surpris qu'à plusieurs reprises des Ouïghours me disent qu'ils sont désolés pour la France, suite aux attaques du 13 novembre. Eux qui sont si souvent accusés de terrorisme par les Chinois, ils doivent savoir de quoi ils parlent (voir ci-dessous.)

Minaret Emin

     La banlieue est elle aussi très belle, les bâtiments étant principalement en terre. Cependant si vous voulez la visiter, dépêchez-vous, une grande partie est déjà détruite pour être remplacé par de grandes tours en bêton. Immonde.


Ancienne banlieue...
... En partie rasée pour construire des buildings
     Je pars de Turpan avec une mission : effectuer 1 000 km en stop en une journée. Entre Turpan et Jiuquan où je souhaite me rendre, il n'y a que du désert. Je me lève tôt pour cette journée qui s'annonce difficile et arrive à 7h30 sur la route après 45 minutes de marche depuis le centre-ville. Alors que les lumières restent allumés toute la nuit, pas de chance, elles s'éteignent juste qu'en je commence à faire du stop. Comme il n'y a qu'un fuseau horaire en Chine (celui de Pékin) le soleil se lève ici à 9h. Je devrais donc attendre plus d'une heure pour enfin pouvoir réellement commencer le stop. Ne comprenant pas un mot de mes chauffeurs qui parlent ouïghour ou chinois, je ne saurais pas où ils vont exactement. Je saurais surpris à plusieurs reprises lorsque ceux-ci s’arrêteront à l'approche d'un embranchement pour me laisser sur la bande d'arrêt d'urgence car ils doivent prendre la sortie. J'arriverais tout de même à arriver à destination, Jiuquan à 1h du matin avec 5 conducteurs.

LE PEUPLE OUÏGHOUR

     Le peuple Ouïghour est une des 55 minorités ethniques de Chine. L'ethnie principale, les Hans représentent 92 % de la populations chinoises. Concernant le Xinjiang, 45 % de la population de la région est Ouïgour et 41 % est Han. Cependant, cette région autonome a une superficie de 1 660 000 km² (environ 3 fois la France) mais n’est peuplé que de 23 millions de personnes, la grande majorité du territoire étant du désert.

     Le gouvernement chinois essaye de motiver les Hans à s'installer dans cette région, officiellement pour la développer. Des subventions et des aides financières sont accordées aux Hans qui s'y installent. Par ailleurs plus il y a de Hans dans cette région et plus il est facile pour le gouvernement de garder le contrôle de celle-ci. La même chose est faite dans d'autres régions autonomes du pays, zones où il y a des minorités ethniques, comme  le Tibet. Les Tibétains comme les Ouïghours sont aujourd'hui des étrangers dans leur pays.

     Urumqi, la capitale du Xinjiang est plus peuplé de Hans que d'Ouïghours. Les protestations de ces derniers réclamant une autonomie et les nombreux heurts entre policiers et locaux  font d’Urumqi, une ville où la présence policière et militaire est très importante. Cette ville étant la première que j'ai vu de Chine, j'ai été surpris par le nombre de militaires et de chars anti-émeute qui sont véritablement à chaque coin de rue.

     La répression que subit le peuple ouïghour et l'écrasement de sa culture est quotidienne dans le Xinjiang. Pour exemple, le port du voile islamique est interdit, les fonctionnaires sont obligés de manger en public les jours de ramadan ou encore les restaurants ouïghours doivent obligatoirement vendre de l'alcool et des cigarettes. Les tensions avec les forces de l'ordre sont alors inévitables et finissent souvent en bain de sang. A chaque fois, les autorités mettent cela sur le dos du terrorisme internationale qui recruterait en Chine des Ouïghours musulmans.

     Pour aller plus loin sur la répression du peuple ouïghour deux articles de Ursula Gauthier :

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